France Musique. Verdi : Le Trouvère. Anna Netrebko. Le 31 août 2014, 20h. Salzbourg, août 2014 : France Musique diffuse l’un des événements lyriques du festival autrichien créé en 1922 par le trio légendaire Strauss / Hoffmannsthal / Reinhardt. C’est qu’aux côtés des Mozart, Beethoven, Strauss, les grands Verdi n’y sont pas si fréquents. Créé à Rome en 1853, d’après El Trovador de Gutiérrez, 1836), Le Trouvère de Verdi saisit par sa fièvre dramatique, une cohérence et une caractérisation musicale indiscutable malgré la complexité romanesque de l’intrigue. L’action se déroule en Espagne, dans la Saragosse du XVème, où le conte de Luna est éconduit par la dame d’honneur de la princesse de Navarre, Leonora dont il est éperdument amoureux : la jeune femme lui préfère le troubadour Manrico. Dans le camps gitan, Azucena, la mère de Manrico, est obsédée par l’image de sa mère jetée dans les flammes d’un bûcher, et de son jeune frère, également consommé par le feu. Manrico décide de fuir avec Leonora. Mais il revient défier Luna car sa mère est condamnée à périr sur le bûcher elle aussi. Emprisonné par Luna avec sa mère, Manrico maudit Leonora qui semble s’être finalement donnée au Conte : elle a feint et s’est versée le poison pour faire libérer son aimé. En vain, Luna comprenant qu’il n’aura jamais celle qu’il aime (à présent morte), ordonne l’exécution par les flammes de Manrico. Au comble de l’horreur, Azucena lui avoue qu’il vient de tuer son propre frère : leur mère avait échanger les enfants sur le bûcher. De sorte que l’opéra s’achève sur la vengeance d’Azucena (elle a enfin vengé la mort de sa mère par Luna) et le sacrifice des deux amants (Leonora et Manrico). La mezzo apparemment démunie a manipulée le baryton jaloux, vengeur… aveuglé par sa haine.
Drame gothique tragique
Dans la production parisienne de l’ouvrage, Verdi ajoute un ballet selon le goût français du grand opéra (3ème partie : la Bohémienne). La violence de l’écriture, l’omniprésence des flammes dans la résolution du jeu dramatique, l’exacerbation des passions qui s’opposent (Luna contre Leonora et Manrico, l’apparente impuissance de la sorcière bohémienne Azucena…)…tout œuvre ici pour l’essor d’une tragédie gothique prenante, à l’expressivité progressive. D’après le roman gothique romantique de Gutiérrez, Verdi offre une remarquable caractérisation des rôles solistes : Manrico (ténor), Leonora (soprano), Luna (baryton), surtout Azucena (mezzo soprano) dont il fait une sorte d’autorité féminine sombre et lugubre (cf. le Miserere, chœur funèbre de la 4ème partie : intitulée » Le Supplice »). Contemporain de La Traviata, Le Trouvère est une partition flamboyante, sur un prétexte emprunté au roman historique dont la vocalité très investie des 4 solistes frappe immédiatement : Verdi réussit un tour de force. Chaque air répond à la nécessité de l’action.
A 43 ans, Anna Netrebko (né en 1971) est la tête d’affiche de cette production produite à Salzbourg en août 2014 ; la diva russe a donné quelques indices (déjà très convaincants) de sa prise de rôle de Leonora, dans un disque Verdi, salué par la Rédaction cd de classiquenews (cd Verdi par Anna Netrebko, 1 cd Deutsche Grammophon).
Voici les termes de la critique de notre rédacteur au moment de la sortie du cd Verdi par Anna Netrebko en octobre 2013 :
…dans Il Trovatore : sa Leonora palpite et se déchire littéralement en une incarnation où son angélisme blessé, tragique, fait merveille : la diva trouve ici un rôle dont le caractère convient idéalement à ses moyens actuels (s’il n’était ici et là ses notes vibrées, pas très précises)… mais la ligne, l’élégance, la subtilité de l’émission et les aigus superbement colorés dans ” D’amore sull’ali rosee ” … (dialogués là encore avec la flûte) sont très convaincants. Elle retrouve l’ivresse vocale qu’elle a su hier affirmer pour Violetta dans La Traviata. Que l’on aime la soprano quand elle s’écarte totalement de tout épanchement vériste : son legato sans effet manifeste une musicienne née. Sa Leonora, hallucinée, d’une transe fantastique, dans le sillon de Lady Macbeth, torche embrasée, force l’admiration : toute la personnalité de Netrebko rejaillit ici en fin de programme, dans le volet le plus saisissant de ce récital verdien, hautement recommandable. Concernant Villazon, … le ténor fait du Villazon … avec des nuances et des moyens très en retrait sur ce qu’il fut, en comparaison moins aboutis que sa divine partenaire. Anna Netrebko pourrait trouver sur la scène un rôle à sa (dé)mesure : quand pourrons nous l’écouter et la voir dans une Leonora révélatrice et peut-être subjugante ? Bravissima diva.
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France Musique. Verdi : Le Trouvère. Anna Netrebko. Le 31 août 2014, 20h. Avec Anna Netrebko (Leonora), Francesco Meli (Manrico), Marie-Nicole Lemieux, Placido Domingo. Philharmonique de Vienne. Daniele Gatti, direction. L’écoute de cette diffusion France Musique est d’autant plus incontournable que l’opéra en juin, proposant 6 dates du 9 au 24 août 2014, était déjà sold out (complet) : affichant le Philharmonique de Vienne, Anna Netrebko, Lemieux (Azucena), Domingo (Luna), la production salzbourgeoise permet de mesurer l’évolution de la voix et du chant de la soprano vedette Anna Netrebko dans un rôle qui semble taillé pour elle. Réponse le 31 août sur les ondes de France Musique.